
Module 1
Le leadeurship partagé, c’est quoi?
Les fondements, les bienfaits et les limites du leadeurship partagé
Le contenu de cette section est largement inspiré par le Chapitre 1, Applications et limites du leadership partagé, du livre Le secret des grandes équipes : huit compétences pour un leadeurship partagé par Édith Luc (2019) [1].
Avant de se questionner sur les approches du leadeurship partagé et les méthodes d’implantation, il faut d’abord s’assurer de bien le définir. Sur quel fondement s’appuie-t-il ? Quels sont les limites et obstacles possibles ?
Fondements théoriques
Les fondements du leadeurship partagé sont attribués à Mary Parker Follet vers la fin du 19e siècle qui énonçait déjà à l’époque que le vrai pouvoir était exercé avec les autres plutôt que sur les autres [2]. Le concept évolua au cours des décennies suivantes en en se basant sur les concepts de rôles au sein des groupes, de gestion participative et de leadeurship transformationnel [3] pour finalement monter en popularité au début des années 2000 en raison de son pouvoir normatif, empirique et de représentation [4].
À l’ère moderne, le leadeurship partagé peut se définir comme suit :
Le leadership partagé rend compte du processus collectif d’influence au sein d’un groupe ; les membres mettent à contribution leur leadership respectif et entier en vue d’atteindre un but commun. L’influence est multilatérale, dynamique et réciproque. Le but à atteindre est le véritable leader du groupe. (Luc, 2019, p. 14)[5]
Le concept de leadeurship partagé peut s’appliquer à des groupes de tous types, de la dyade à la communauté entière, en passant par les équipes et les organisations. Il est important de préciser que dans le cas de ce leadeurship, le terme partagé ne se rapporte pas à la division et à la répartition, ici de l’autorité, mais bien à la mise en commun des ressources individuelles.
Le partage du leadeurship ne signifie pas non plus l’abolition ou l’exclusion de l’autorité au sein d’un groupe, puisque celle-ci joue un rôle clé dans le processus d’influence au sein d’un groupe (plus de détail sur ce rôle au module 2). De façon plus large, l’ensemble des rôles existant avant l’implantation d’un leadeurship partagé continueront d’exister et chaque membre du groupe continuera de jouer avant tout le rôle qui lui est assigné. Toutefois, il ne se limitera pas aux actions qui y correspondent et mettra en commun son intelligence et ses capacités dans l’atteinte du but commun.
Bienfaits du leadeurship partagé
Bien que les recherches portant sur le leadeurship partagé soient assez récentes, des études sont déjà parvenues à conclure que ce style de leadeurship a des effets positifs sur la performance, l’innovation, la prise d’initiatives et le bien-être [6][7]. Les groupes faisant usage d’un leadeurship partagé répondent mieux aux besoins, améliorent la créativité et s’adaptent plus facilement aux changements [8]. D’un point de vue plus relationnel, le leadeurship partagé augmente également la confiance, le sentiment d’efficacité et l’engagement des membres du groupe [9][10].
Obstacles et limites
Malgré l’ensemble de ses bienfaits, il faut reconnaitre certains défis qui pourraient survenir face à l’implantation d’un leadeurship partagé au sein d’un groupe. En effet, le déploiement d’un leadeurship partagé pourrait produire chez certains individus la crainte de perdre un contrôle acquis, son statut actuel ou la reconnaissance de sa contribution individuelle. Ce phénomène est l’une des raisons pourquoi le passage au leadeurship partagé ne doit pas être précipité, mais qu’il doit être proprement préparé avec l’équipe.
En raison de l’augmentation du nombre de personnes et de perspectives impliquées dans la prise de décision, certains craindront que le passage au leadeurship partagé rende celle-ci plus lente. Alors que ce phénomène va fort probablement se manifester initialement, l’équipe développera au fil du processus des mécanismes, notamment en ce qui a trait à la confiance, au dialogue et à l’influence, qui lui permettra de rendre la prise de décision plus fluide et rapide. Il est également à noter que le temps additionnel devant être investi dans la prise de décision sera récupéré dans l’exécution de la décision, celle-ci se voyant accélérée par l’adhésion à l’objectif par les membres du groupe.
La dernière crainte pouvant être ressentie est celle de retombée dans d’anciens modes de fonctionnement lorsque l’on fera face à des difficultés ou à des changements considérables au sein du groupe. Afin de contrer cette possibilité, le leadeur formel pourrait se greffer d’un coach externe ou d’outils d’autorégulation.
[1][3][5] Édith Luc, Le secret des grandes équipes: huit compétences pour un leadership partagé, [Édition mise à jour] (Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 2019).
[2] Craig L. Pearce et Jay Alden Conger, éd., Shared leadership: reframing the hows and whys of leadership (Thousand Oaks, Calif: Sage Publications, 2003).
[4] Alma Harris et James Spillane, « Distributed Leadership through the Looking Glass », Management in Education 22, no 1 (janvier 2008): 31‑34
[6] Danni Wang, David A. Waldman, et Zhen Zhang, « A Meta-Analysis of Shared Leadership and Team Effectiveness. », Journal of Applied Psychology 99, no 2 (2014): 181‑98
[7] D’Innocenzo, Mathieu, et Kukenberger, « A Meta-Analysis of Different Forms of Shared Leadership–Team Performance Relations ».
[8] Gill Robinson Hickman, éd., Leading organizations: perspectives for a new era, Third edition (Los Angeles: Sage Publications, 2016).
[9] Michelle C. Bligh, Craig L. Pearce, et Jeffrey C. Kohles, « The Importance of Self‐ and Shared Leadership in Team Based Knowledge Work: A Meso‐level Model of Leadership Dynamics », éd. par Christopher P. Neck, Journal of Managerial Psychology 21, no 4 (1 juin 2006): 296‑318.
[10] Vasilii Penny, « The effects of conflict in driving forward innovation in shared leadership management consultant teams » (London, University of Westminster, 2016).